"Une vente classique ?"
La cession du château d’Agassac, cru bourgeois exceptionnel en appellation Haut-Médoc, a été largement relayée dans la presse.
L’occasion de faire plus ample connaissance avec Ronan Le Moigne, associé fondateur et directeur du pôle Fusion-Acquisition, avocat conseil du cédant Groupama dans cette opération.
Bonjour Ronan,
Merci de vous prêter à l’exercice de l’interview, sachant que vous êtes très attaché à la discrétion et au secret professionnel.
Quelques mots d’abord sur LEXYMORE et son équipe M&A.
Bonjour Pierre, oui en effet LEXYMORE est un cabinet d’avocats bordelais fondé il y maintenant 15 ans et qui intervient majoritairement au niveau régional mais nous avons des clients dont le rayonnement est national et même international.
Avec le temps, nous avons constitué une équipe de professionnels, dédiée aux opérations de haut de bilan que ce soit pour les phases de négociation, de financement ou de structuration.
On parle ici de joint-venture, de croissance externe, de cession d’actifs par exemple.
Au-delà des deals, nous vivons des histoires humaines.
Partenaires des entrepreneurs, nous les conseillons notamment pour des opérations d’acquisition, de cession, de transmission qui constituent à chaque fois une partie importante de leur aventure professionnelle et patrimoniale. Entrepreneurs nous-même, nous comprenons très bien les sentiments parfois très forts qui les animent.
Quel est votre parcours, qu’est-ce qui vous a amené vers ce métier du conseil ?
Sans hésiter les rencontres.
Bien sûr mon parcours universitaire était orienté vers le droit des affaires et des sociétés, mais c’est d’avoir travaillé avec des personnalités de grande qualité dans mes premières années de pratique à Paris dans des cabinets de renom, qui a forgé la dimension «conseil» de ma pratique.
Des deals à plusieurs centaines de millions d’euros, parfois avec des dimensions planétaires c’est beaucoup d’adrénaline, de stress mais aussi une formidable école de rigueur.
Nous en tirons notre méthodologie d’aujourd’hui, une partie de notre savoir-faire technique et un état d’esprit de marathonien.
Car les opérations importantes sont souvent longues et le temps est un allié précieux qu’il faut savoir apprivoiser. Nous avons le recul pour ça.
Quelles sont vos relations avec Groupama et qu’est-ce que vous pouvez nous dire de la cession du Château d’Agassac ?
Nous conseillons ce client depuis plusieurs années.
Nous partageons une vision, des valeurs qui permettent des échanges d’une grande qualité et une réelle sérénité dans nos interventions.
A la suite de la cession d’une autre des propriétés du groupe, en 2017, Château de Nalys à Châteauneuf-du-Pape, nous avons été sollicités en amont pour examiner la faisabilité de l’opération de cession d’Agassac.
Il a fallu peser les enjeux, anticiper les risques pour éviter autant que possible les mauvaises surprises. Il faut parfois pour cela s’attacher à des détails très fins. Et les aspects financiers ne sont pas les seuls à avoir été pris en compte.
Nous avons par exemple été très vigilants lors de la consultation des intermédiaires, car la qualité de l’acquéreur était un point essentiel pour Groupama.
Au-delà du montant de la transaction, notre client était très attaché au profil et au projet de l’acquéreur.
Pouvez-vous évoquer pour nous les particularités d’un deal de ce niveau ?
On peut dire qu’il s’agit d’une vente «classique» où se mêlent droit des sociétés, droit des contrats, droit viticole et droit fiscal. C’est un travail d’équipe.
Bien sûr ici les actifs fonciers sont d’importance puisque le bâtiment est classé et cela rajoute un peu à la complexité. Il convient donc de considérer l’immense masse d’informations à analyser. On rentre en contact avec une multiplicité d’interlocuteurs et comprendre les enjeux liés aux différentes organisations est un préalable important et parfois fluctuant !
Il faut faire preuve de diplomatie, maintenir les contacts même en cas de tensions.
La vie d’un tel dossier impacte beaucoup de monde.
Et les conditions dues au COVID ont compliqué les échanges, dès le stade de la data room et des audits. Nous avons eu recours à toutes sortes de solutions digitales : Visio, data room numérique, plateformes électroniques de signatures sécurisées. Les conditions sanitaires ont assurément déshumanisé un peu les relations car les flûtes de champagne virtuelles ont moins de saveur !
Mais sincèrement, même dans ces conditions, tous les participants nous ont remercié pour la qualité des échanges et nous sommes fiers d’avoir la réputation d’une équipe courtoise et impliquée en toutes circonstances !
Quelle est votre vision du marché bordelais des cessions viticoles ?
Restons modestes, je n’ai qu’une vision parcellaire du sujet et le monde change vite en ce moment. Je n’ai pas de certitudes.
Mais pour contribuer à la réflexion malgré tout, je pense que nous vivons un renouvellement des générations qui modifie un peu la donne. Un grand nombre de propriétés seront à vendre dans les années à venir et les disparités entre appellations, classements seront sûrement importantes en termes de valorisation.
La COVID, en empêchant les acheteurs étrangers de voyager et certaines taxes douanières ont ralenti quelque peu le dynamisme du secteur.
Mais le vin reste un produit magique, les propriétés des lieux de vie architecturaux et naturels prisés et faire ou «vivre du vin» grâce à l’œnotourisme par exemple, est un rêve pour beaucoup.
Il y aura donc toujours des acheteurs…
Vous évoquez les conditions particulières de ces derniers mois.
Comment s’inscrit votre métier d’avocat-conseil dans «ce monde qui change» comme vous dîtes ?
Les pratiques évoluent beaucoup.
On en parlait, la signature électronique, le téléchargement sécurisé, le travail en réseau avec les équipes dirigeantes et les autres intervenants dans de telles opérations demandent beaucoup d’agilité et de disponibilité.
Le rôle que j’endosse souvent est celui d’un chef d’orchestre 2.0 !
«Faire travailler ensemble» c’est la clé.
C’est un challenge technique et humain. Il faut être plusieurs, contribuer, collaborer et partager avec la même culture du «delivery» sous des formes qui changent.
Les banques de données, les outils de recherche, l’IA, bouleversent la façon dont sont désormais élaborés nos dossiers.
L’analyse est souvent plus précise mais le volume d’informations à traiter exponentiel.
L’exigence augmente suivant la même tendance.
Les collaborateurs intégrés à nos équipes ont donc des profils assez singuliers.
Mais c’est en ce sens que chez LEXYMORE nous nous considérons comme
«avocats et bien plus !» (sourire)
Pour finir justement comment va Lexymore au-delà de cette actualité business?
Le bilan de cette année 100% COVID pour nous (puisque nous clôturons au 31 mars) est positif.
Nous avons continué à nous développer. C’est une satisfaction compte tenu du contexte et je remercie ici les équipes pour leur professionnalisme.
Au-delà des chiffres, cet état d’esprit partagé nous a incité à intégrer deux nouveaux «partners» jeunes et talentueux issus d’une promotion interne : Charlotte Besnard et Bertrand Hassid.
La pérennité du cabinet passe par cette confiance affirmée dans nos équipes et dans la génération suivante.
Propos recueillis par Pierre LAMAISON - WhatsGoingOn